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Rencontre avec...

Jérôme Toq'r, artiste plasticien

C’est « en rouge et noir » que Jérôme Toq’r a dévoilé l'une des facettes de son talent à travers un spectaculaire projet coopératif baptisé Koklyko. Nous en avons d'ailleurs fait un livre.

Au cœur de toute cette aventure : le plastique. Matière à tout faire, portée aux nues par notre société de consommation avant d’être aujourd’hui décriée. Jérôme s’est emparé pour la détourner, la métamorphoser, et finalement interroger sa présence, son usage, son avenir.


Jérôme Toq’R : artiste plastic’sien ?!

LES REVELATRICES :

Bien malin qui peut deviner d’emblée la « matière à créer » utilisée pour réaliser Koklyko.

Etait-ce volontaire ?

JEROME TOQ'R :

Lors de l’installation finale, mon intention était clairement de surprendre le regard le plus longtemps possible. Pour autant, surprendre ne veut pas dire tromper. Il s’agit d’emmener les personnes à découvrir un champ de Koklyko. De créer un objet suffisamment évocateur pour qu’il s’imprime dans la rétine...

Certains l’ignorent. Plus curieux, d’autres s’approchent et découvrent de quoi ils sont faits... Seuls ceux qui s’arrêtent perçoivent qu’ils sont face à un champ de déchets ! En créant une douce perturbation dans le paysage, je suis l’initiateur d’un questionnement. Ensuite, libre à chacun de se poser ou non des questions.


Comment le tout premier Koklyko a-t-il fleuri entre vos doigts ?
C’était en 2013, au Centre d’Art Contemporain de la Matmut à Saint-Pierre-de-Varengeville (76). Dans le cadre de Normandie Impressionniste, j’exposais alors Métamorphosis, une performance composée de sphères multicolores coréalisées avec une centaine d’enfants et d’adultes. De la « graine » de Métamorphosis au Koklyko, il y avait une évidence... Restait à imaginer quel support utiliser pour permettre une coopération facile.

 

Ainsi, les bébés naissent dans les roses ou les choux... et Koklyko dans les bouteilles en plastique ?

C’est un peu ça. Il y a 7 ans, quoi de plus banal et abondant que la bouteille en plastique ? Facile à collecter, à entreposer, à façonner.

Au-delà de sa « banalité », cet objet met en lumière un lien entre la nature et la main de l’homme. Une articulation omniprésente dans mon travail artistique mais sur laquelle je n’ai aucune maîtrise. Je suis seulement là pour organiser de façon harmonieuse le passage d’un état à l’autre : celui du déchet... à l’œuvre artistique. Dans mon projet, découpées, collées, peintes assemblées par des milliers de mains, puis collectivement « plantées », les bouteilles en plastiques se métamorphosent en Koklyko.
Choisir de figurer une fleur éphémère à partir d’un matériau résistant 500 ans dans la nature avant de se fragmenter en fines particules... C’est un paradoxe que j’assume tout à fait d'autant qu'il souligne l'urgence dans laquelle nous sommes !


Hier le plastique de Koklyko était la « matière première » d’une démarche avant tout artistique. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Je suis rattrapé par une conscience écologique qui, même si elle était déjà présente à la genèse de mon travail, le dépasse désormais. Au début du projet, il était simple de trouver des bouteilles en plastique. En 2020, beaucoup moins. Je constate avec satisfaction une évolution de l’objet, comme de son usage. Celles-ci ont muté : parois plus fines, bouchons réduits et solidaires des bouteilles. Elles se font aussi plus rares et les bouteilles en verre ont à nouveau la cote. Grâce à l’émergence de cette conscience éco citoyenne, il devient plus compliqué de collecter des milliers de bouteilles pour préparer mes installations... Peut-être même qu’à terme, cela deviendra impossible.

Has-been le plastique de Koklyko ?

Au contraire, Koklyko symbolise l’époque de l’omniprésence de la bouteille en plastique. Il raconte un présent déjà presque passé. Un basculement d’autant plus signifiant que, dès 2013 j’avais décidé d’arrêter quoiqu’il arrive le projet Koklyko en 2023, 150e anniversaire de « Coquelicots, la promenade » œuvre de Claude Monet, emblématique de l’impressionnisme. Une date butoir dont je n’avais pas imaginé qu’elle marquerait aussi le déclin du plastique...
Cela ne disqualifie en rien le travail effectué. En faisant collaborer des dizaines de milliers de personnes à Koklyko, j’ai contribué à les sensibiliser. Je suis l’un des modestes acteurs de cette prise de conscience. J’en suis un témoin et Koklyko une trace « archéologique ».


Artiste plasticien, vous n’êtes pas seulement l’homme du plastique !
Je ne suis pas l’homme d’une seule matière mais plutôt celui d’un seul propos : l’articulation entre la nature et la main de l’homme. Un questionnement autour de la résistance et de la fragilité, de la persistance et de l’éphémère que je peux tenir à travers de multiples matières : papier, plastique, métal...
La matière est un terrain d’exploration infini. Se confronter à des contraintes toujours nouvelles constitue pour moi un puissant moteur créatif.

Un prochain rendez-vous avec Koklyko ?
Je dirai même un retour « aux sources », avec une nouvelle installation au Centre d’Art Contemporain de Saint-Pierre-de-Varengeville (76) à partir du 27 septembre 2020.

 

Je n’en ai donc pas fini avec ces hauts de bouteille en plastique...


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Merci à Jérôme Toq'r de nous avoir renouvelé sa confiance pour cette interview.

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